mardi 19 janvier 2010

Situation politique en Commune IV


Ce que je pense de
l'affaire Moussa MaraQu'une candidature indépendante (ordinaire) rafle la mise pouvait encore passer, mais qu'un jeune candidat de surcroit avec un discours neuf, des idées nouvelles, vient secouer les règles du jeu politique, et mieux, gagner une des communes stratégiques du district de Bamako, allait certainement raviver les tensions au niveau du microcosme Bamakois. En effet, après avoir été élu maire de la commune IV du district de Bamako, Moussa Mara, suite à une plainte déposée au près du tribunal de première instance de la CIV, pour raison de fraudes massives, par les partis politiques ayant perdu le scrutin, s'est vu son élection invalidée. En attendant la tenue de nouvelles élections, et pendant que les adversaires du " jeune indépendant" savourent leur victoire, un constat s'impose. L'élan de changement dont Moussa Mara était porteur semble être définitivement freiné, tout comme le flot d'espoir que son élection avait suscité s'amenuise comme peau de chagrin.
Rappelons que Moussa Mara est un jeune trentenaire qui s'est surtout fait remarquer d'abord en tant que candidat indépendant, ensuite pour sa vision novatrice, et en fin pour son approche plus participative de la gestion locale des collectivités. Sans tomber dans une quelconque idolâtrie béate, il convient de dire qu’il émerge largement du lot des politiques au Mali. Son approche pragmatique et moins opportuniste en a fait le chouchou des jeunes des quartiers de Djicoroni, Sébeni Coro, Lafiabougou, Hamdallaye, Lassa, Taliko... Certes, son inexpérience politique, lui a fallu quelques erreurs de communications, tout comme les critiques incessantes de ses détracteurs, mais l'engagement progressiste de ce jeune de Lafiabougou ne souffle d'aucune ambiguïté.
Moussa Mara a aujourd'hui ceci de particulier qu'il n'appartient pas au système. Il est neuf, pas seulement du fait de son jeune âge, mais également de sa couleur neutre, de la nouvelle dynamique dont il est porteur.
Le système politique au Mali, comme partout au monde, fonctionne en quelque sorte comme un cercle de feu. Essayer de l'intégrer avec de nouveaux codes, des nouvelles armes de guerre peut vous être fatale. Moussa Mara en a appris à ses dépens.
Cette malheureuse affaire représente, à mes yeux, une vitrine reflétant l'essentiel de ce qui caractérise la façon actuelle de faire la politique en République du Mali. C'est un scénario assez révélateur de l'opacité des codes qui régissent l'ordre politique en vigueur au Mali.
Moussa Mara a été mis hors jeu, et l'on sait, sauf catastrophe, qu'il ne reviendra pas si tôt aux affaires. Aux yeux du politique Malien lambda, c'est un jeune qui veut leur peau. Oui, Moussa voulait assainir les finances communales, car, riche de son expérience d'expert comptable, il avait fini par mettre à nu toute la gabegie, et toute la ribambelle de détournements de toute nature et de spéculations foncières qui minaient l'essor des communes dans le district de Bamako.
On sait qu'au Mali, on ne fait pas la politique pour sa communauté, mais on le fait surtout pour sa propre marmite. Et toute personne qui rentre dans le sérail avec l'ambition de vouloir mettre un frein à ces détournements à la chaîne, est vu comme un intrus, "l'ennemie numéro un (1) qui empêche tous les gens d'avoir leur prix de condiment". Drôle de mentalité qu'on retrouve à tous les échelons de la hiérarchie.
Le slogan qui avait cours lors de la campagne municipale en Commune IV « tout sauf un indépendant », traduit toute l'angoisse des politiciens, en manque de crédibilité, que ne vienne leur ravir le trône un jeune, dont toute la campagne a été accès sur le changement de comportements et la responsabilisation des citoyens dans la gestion des affaires locales.
Moussa Mara a été écarté, non pas parce qu'il y a eu une fraude à profusion, car on sait que la fraude n'est pas une denrée rare au Mali, mais bien parce que l'homme voulait réussir là où tous les autres ont échoué. Il a été écarté pour ne pas empêcher les politiques de s'inviter à la soupe communale. Il a enfin été écarté pour ne pas signer l'acte de mort des politiques en République du Mali. En d'autre termes, Moussa est vu comme la principale menace à ce système de vases communiquants tant cheri, cette espèce de deal en boucle fondé sur la logique du tube digestif. C'est pourquoi, nous pensons que même s'il gagnait les élections, il serait écarté de nouveau, soit par le jeu des alliances entre partis politiques, soit par des machinations et autres fraudes, ou bien par le génie d'une main invisible venue de quelque part à Bamako…
Que Dieu aide le Mali
                                                                                  Boubacar Mody Sacko

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